Génération Quoi

On serait
une génération entière lasse
incapable de devenir adulte,
à qui on ne laisse pas la place,
qui refuse qu’on l’y catapulte.
Dégoût de la hiérarchie, peur des responsabilités,
enfants trop gâtés à qui on dit de se bouger,
des assistées précarisées qui ne veulent plus obtempérer ?
Tout ça se mêle en un immense gloubi-boulga
et c’est pas Casimir qui viendra nous sortir de là :
il a bien du souci sur l’île aux enfants
surpeuplée par des milliers d’adulescents.
Génération Y
Génération Quoi
Génération, ça ne veut plus rien dire.

Tous nos idéaux se souillent
et les frontières se brouillent,
vie privée vie perso,
la distinction n’a plus de sens
quand l’essence de la vie, c’est la rentabilité.
Optimise bien ton temps, même tes loisirs doivent être utiles,
si l’optimisme te fait défaut bosse un sourire à la Macron
ça plaira peut-être à ton boss, il faut soigner ta relation,
que ta bouche devienne aussi flexible que le code du travail,
porte tes masques vaille que vaille !
Le film de Ruffin change rien, tu peux chanter merci Patron
demain tu s’ras de toute façon
entrepreneur de toi-même :
entre tes mains les décisions,
réjouis-toi de ton oppression !
Le travail c’est la liberté,
Orwell n’a plus d’yeux pour pleurer.

C’est plus le rêve mais le cauchemar américain,
se faire seule sans l’aide de personne ni de rien,
si tu touches le fond c’est qu’tu fais pas assez d’efforts,
pas étonnant qu’en Occident la dépression frappe si fort.
Pour l’être néo-libéral
tout est question de volonté
car il n’est pas un animal,
il sait si bien se contrôler.
Tu devrais pouvoir l’imiter,
apprendre des gens domestiqués :
la fatigue d’être soi n’est pas un alibi,
renonce aux besoins et envies,
fais l’retro-planning de ta vie.
Si tu t’en tiens à tes deadlines
t’auras amour gloire et beauté,
tout est question de volonté.
Tu n’sais pas te faire respecter alors n’attend pas de respect,
ta place il faut te la tailler, rêve pas de calumet d’la paix,
si tu veux te la jouer victime compte sur personne pour te pleurer,
quand t’es devenu un perdant, c’est que t’as choisi ton côté :
tout est question de volonté.

Attention danger sous les pavés du travail
on ne retrouve plus la plage,
il a fallu céder le bail.
Dans les trous du grillage
on rêve d’horizontalité
– pas celle de la précarité,
celle où chaque voix est prise en compte,
où changent les histoires qu’on raconte.
Quand l’État devient start-up,
on oublie comment faire grève
mais nous aussi à Paname
on peut se saisir de nos rêves,
zones à défendre et zones à vivre
que ce n’soit pas pour rien qu’on crève.
Marginales, marginaux debout,
on sait qu’il n’y aura pas de trêve
dites au revoir à l’aliénation
et rejoignez l’alienne-nation ;
notre puissance est dans l’action,
l’espoir comme le jour se lève.

Si tu crois que ça impressionne,
de jouer la révolutionnaire !
L’agitation sans le pouvoir
c’est au plus de l’animation
et un parfait bouc-émissaire.
Bien sûr que tu peux t’exprimer
tant que tu n’es pas un danger ;
enquête sur la pauvreté,
en ligne on veut ton opinion,
jamais de vraie concertation !
Trop peur de l’insurrection qui vient
pour risquer de reproduire l’erreur
de la Chine des cent fleurs,
faudrait rétablir les valeurs
de la République dans nos coeurs…
Le gouvernement ne renoncera pas
au retour de l’état de droit,
et pas seulement à Notre-Dame,
mais sans doute aussi dans les âmes
de la Génération Quoi.

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